jeudi 4 février 2016

Vivre



Le ciel est presque limpide ce matin. On pourrait croire que ses idées se sont métamorphosées en ciel bleu. Sur la rivière protégée par une berge au tapis d'herbe fraîche, il avance, confiant sur la petite barque de fortune qu'il s'est construite.
Galio a tout abandonné ce matin. Son appartement, son travail, son vieux scooter et sa prison de peurs tenaces. Une idée folle, une idée qui a pris le temps ni des jours ni des mois qui passent. Un besoin d'oxygène, de plus de vie, d'essentiel.
Dans la forêt voisine un papillon lune s'ennuie. Ses activités nocturnes ne l'amusent plus. Attiré par la lumière, il s'envole en robe vert émeraude. Le printemps l'attire immanquablement.
Bientôt, il se pose sur la petite barque de Galio, puis sur sa main tenant les rames. Galio ne perçoit pas tout de suite la caresse des pattes de l'insecte aventurier. Alors il débarque sur son nez. Ça chatouille, mais ce n'est pas désagréable. Au contraire c'est enivrant. Et puis la bouche de l'homme au goût de miel de lavande l'attire à ce point qu'il finit par y entrer. Voilà l'insecte avalé.
Galio n'a pas lutté. Le papillon s'est lové sur son oreillette gauche. Les battements du cœur de Galio le bercent, de là il prend la mesure de la beauté intérieure de l'homme. Dans son cœur, il sonde des pensées en forme de poèmes, des souffrances tatouées, des désespoirs livides et des audaces impertinentes. Un peu plus bas, du côté des ventricules, le muscle sous ses pattes est d'une douc
eur infinie. Il y perçoit immédiatement un amour aux yeux verts et pétillants. 
Galio n'a jamais autant incarné son désir. Finie cette demie-vie de presque rien, finis les mensonges qui rongent, fini le goût amer que laissent les mots qui écrasent. Cette barque le mène exactement là où il souhaite se rendre. Sur la rive un cycliste le salue, derrière le vélo un setter court à pleines pattes. Galio est impatient mais il prend le temps de savourer. Sur son visage, une petite brise comme une caresse lui rappelle qu'il est grand temps de vivre. Son esprit est une montgolfière rouge cerise bercée par le vent du matin. Le papillon lune s'était assoupi. Réveillé par les aboiements du chien il réalise qu'il est l'hôte le plus chanceux du monde. Il n'a pas envie de quitter ce cœur chaud et plein de fantaisie. Il s'y sent rassuré dans une obscurité lumineuse et bienfaisante. Soudain une vibration, un tressaillement. Le cœur de Galio se met à battre très fort et très vite. Asaé le papillon a l'impression d'être sur un trampoline. Il rebondit tellement qu'il se met à rire. Il ferme les yeux pour ressentir la joyeuse secousse, ses ailes se déploient jusqu'à habiter complètement la poitrine de Galio.
La barque est sur la berge, vide. Galio s'est assis sur un banc un peu loin. Il ferme les yeux, respire profondément, imaginant déjà l'instant délicieux qu'il va vivre.
Elle n'est plus qu'à quelques mètres, le pas léger elle s'apprête à retrouver l'homme qu'elle aime.
Asaé se blottit contre le cœur de Galio, il sent peu à peu l'apaisement et la douce vibration du trampoline. Leurs regards se sont croisés. Elle avance vers lui doucement, ils voudraient faire de ce moment un éternel éphémère. Ils savent que leurs retrouvailles finiront par perforer la nuit de leur sublime évidence.
Sans mot dire ils se donnent un baiser comme on embrase les secondes impatientes. Des larmes leur brillent aux paupières. Galio serre très fort l'amour de sa vie.
C'est alors qu'un papillon magnifique vient se poser sur l'épaule gauche de la jeune femme bouleversée.


mardi 10 novembre 2015

Manifeste surréaliste pour un amour funambule

Votre vie est un puits sans fond d'ennui et d'errance sur l'asphalte d'une vie que d'autres pour vous ont déjà tracée?
Ne vous laissez plus ainsi diriger. Ôtez vos costumes de circonstance trop bien repassés et laissez-vous happer par la force de l'amour-funambule, l'amour que l'on danse nu sur un fil de soi tendu entre aujourd'hui et demain, perché sur le toit d'un monde complètement à votre mesure.
Les acrobaties et autres figures libres sont fortement recommandées pour aimer plus follement encore.
Avec l'amour-bulle, donnez de l'oxygène à votre vie.

Échappée d'automne

C'est le creux de la vague,
L'aventure inouïe au cœur d'une intelligence en voie d'abjection suicidaire,
Plongée sous-marine,
N'être plus qu'eau et Renaissance.
Être l'exorciste de vaches folles dansant comme des marguerites ivres de joie.
Pour célébrer l'événement, des concerts inédits auront lieu chaque soir d'automne au profit du sursaut créateur et libérateur.

mardi 3 novembre 2015

Rendez-vous



                                                
Ce serait comme la rencontre fortuite de larmes versées et de discours apprêtés,
Des caresses du vent et des odeurs de poubelles des villes à la dérive,
De la lune avec la mer,
D’une courbe libre et d’une trajectoire déjà tracée,
Du temps qui passe et d’éphémères s’éternisant,
D’un écheveau de laine sur une armure de chevalier d’antan,
D’une main timide et d’un argile qui résiste,
De ses dénis avec mes mots,
De l’amour et du hasard,
D’un texto et d’un poème de Rimbaud,
D’une étoile qui danse avec un astre à la dérive,
De l’audace d’écrire avec la prudente pudeur,
De la vie qui vibre avec la sourde désespérance,
De la mer avec le désert,
De mes peurs avec mon grain de folie,
D’un timide et d’une farouche,
Du pire et du meilleur,
De l’ocre, du rouge et du bleu,
Et du hasard avec un fabuleux rendez-vous …

mercredi 16 septembre 2015

Rouge





La première fois que je l'ai vu, je l'ai dévisagé,  
Ecumant chaque centimètre carré de sa peau d'encre.  
J'ai écarquillé les yeux, avec l'avide envie  
De percer l'esquisse de ce mystère majestueux.  
Corps d'ombres et de lumières,  
Courbes se faisant douces collines et vallées obstinées,  
Effleurement du papier, aventure des sens,  
Monde tangible à la surface éclatante,  
Je sais déjà que l'air qu'il inspire est le même que le mien.  
Effluves délicates, coeur en émoi.
Il suffirait que je m'abandonne à cette extase circonflexe  
Pour vivre la fascinante aventure d'un voyage  
Au creux de la précieuse matière. J'y consens.
Je tendrais l'oreille dans le vacarme silencieux de ses soupirs,
J'y percevrais le trouble, les crépitements,  
Les murmures et le tintinabulli de sa vie d'aube.  
Cette rencontre dépouillée, authentique et poétique me touche.  
Correspondances intimes de territoires à territoires,  
Je l'ai rejoint sur son île immobile et fascinante.  
A le regarder, c'est l'espace tout entier que j'habite.
                                                                                                                Lucie Sélène

mercredi 20 mai 2015

Entre rien et tout

                                                           
                                                             Lille, Aéronef, 19/05/2015

Il y avait cette Lune imaginaire, entre le ciel et nous
Abasourdie de nous voir à ce point connectés.
Cali et le public lillois, parcourus d'une chaleur incroyablement douce et poétique
Et dans nos coeurs l'envie que cet instant se fige, que nos solitudes citadines s'oublient le temps d'un soir. 

Il y avait cette pluie froide et le vent qui crispe les corps
Le temps qui se vide et puis reprend son cours,
Les voitures, les feux rouges, et puis le rien,
Le rien qui te tue si tu ne prends pas soin de protéger la magie,
Si tu te laisses happer par le néant du macadam usé.

Quelque chose a changé.
Désormais il y a ce trésor qui habite ta mémoire et ton coeur
Indiscibles bribes de souvenirs encore brûlants
Capables de te faire gueuler ton envie de vivre
Et de briser les silences les plus convenus
Si c'est pour ressentir encore tout ça.

J'ai vu des mains s'agripper, des corps s'étreindre
Des regards s'habiller de poésie et d'infini
J'ai vu des sourires.
Pas de ceux qu'on emprunte, en toc,
Mais de vrais et beaux sourires, embarqués sur l'océan de son talent


Que chacun garde en soi l'empreinte de ces instants de vie
Qu'il y puise la douceur, la chaleur et la folie
Nécessaires pour survivre dans ce monde cabossé.
Que chacun tatoue dans un coin de son coeur
Le souvenir de cette soirée vraiment pas comme les autres.




vendredi 8 mai 2015

Je cramerai le désespoir

Lâcher prise, complètement
Se tatouer l'essentiel sur les veines
Ne pas se perdre en route
Observer l'incendie au fond de soi
Manger le macadam
Avoir la force de ses noirceurs
Et la faiblesse de ses envies
Echouer puis renaître
Danser jusqu'à l'overdose
Et condamner le raisonnable
Définitivement.

samedi 18 avril 2015

Tu y crois ?


Tu y crois toi ? 
A cet amour en partage, 
A ces mains qui se tendent, 
A ces yeux qui pétillent, 
A ces présents d'une infinie poésie ? 
Tu y crois toi ? 
Aux mots qui t'embarquent, 
Aux frissons qui te surprennent, 
Aux instants suspendus, 
A la force de l' amour ? 
Tu y crois toi ? 
A ces larmes qui coulent, 
A ces évidences qui prennent  possession de toi, 
A l'immensité du moment, 
Au sens d'un matin qui te mène à ce soir-là ?
Tu y crois toi ? 
Au présent du verbe "aimer", 
Aux secondes intrépides, 
Aux regards qui disent tout, 
Aux mots qui balayent le sombre et l'amer? 

Ce soir-là, moi j'y ai cru.

jeudi 16 avril 2015

Ça dépend du coeur

Peut-être qu'une fois encore les mots viendront à mon secours, peut-être qu'à bord de l'un d'entre eux, je pourrai embarquer pour échapper, ne serait-ce que quelques instants à l'indicible douleur. 
Peut-être qu'à force de monter et de redescendre de ces montagnes invisibles qui jalonnent ma vie, je finirai par épuiser mon corps et mon esprit en errance perpétuelle, leur rendant la légèreté et l'innocence des premières heures de l'existence. 
Peut-être que l'épaisseur de ma carapace n'est pas suffisante pour survivre dans ce monde que je ne comprends décidément pas.
Peut-être qu'à force d'endurer les chutes, je finirai par réduire à néant ma machine à ressentir.
Peut-être que là est mon salut, atteindre le degré zéro de la sensibilité, vivre dans un monde sans y exister vraiment, au raz du sol, sans jamais me mouiller.
Peut-être que ce temps qui ralentit et qui s'accélère n'est que la métaphore d'un infini rien.
Il y a de quoi s'anesthésier le corps, fermer à triple tours la porte de son for intérieur, pour que plus jamais rien ni personne ne s'en mêle.
Vivre c'est au fond une vague histoire de connexions plus ou moins réussies avec les particules d'un monde qui gardera son mystère pour l'éternité.
Qu'on ne me parle pas de ce qui vaut la peine d être vécu, de la beauté des rêves et des ciels étoilés, si ce n'est pour finalement n'être que la spectatrice esseulée  d'une vie qui n' est pas la mienne. 
Qu'on ne me tende pas la main si c'est pour la lâcher ensuite. 
Qu'on ne me fasse pas croire l'incroyable.
Que la vie m'embarque sur ses ailes de feu, que le tiède et l’insipide passent leur chemin. De leur sempiternelle ritournelle je n'ai que faire. 
Cette nuit, j'ai mal aux rêves.


mardi 31 mars 2015

Nocturnes désirs.

Il s'agirait de fendre la nuit. De lui rendre sa sublime, d'en explorer chaque contour. D'écouter le message des astres et des étoiles, de s'en remettre à la poésie du moment.
Le silence prendrait possession de l'appartement, laissant place à la fureur des mots qui n'auraient  pas d'autre alternative que de s'écrire. Sous la petite lampe de poche, c'est l'ivresse de vivre qui prendrait le pas sur tout le reste.
Il s'agirait d'entrevoir sa vie avec l'excès, le vacarme et la fougue d'une adolescence en pleine vibration.
Il s'agirait de s'inventer des lendemains aussi brûlants que le cœur des volcans.
Il s'agirait de tout donner pour jouer le plus justement possible la partition de sa propre existence.
Il s'agirait de ne plus jamais s'oublier au milieu du chaos et des mots qui tuent.
Il s'agirait de faire à ce point corps avec les mots qu'ils seraient "bigger than Life".
Il s'agirait d'écouter le flux d'envies parcourant les veines d'un corps trop longtemps ignoré.
Il s'agirait d'aplatir d'un revers de la main des idées monstrueuses et imbéciles qui s'imposeraient sans qu'on les ai invitées.
Il s'agirait de sortir vivante d'une terrible bataille de soi contre son autre soi.
Il s'agirait d'aimer le monde avec le cœur d'un enfant .
Il s'agirait de mettre à la porte les souvenirs maussades, les heures lentes et les envies de rien.
Il s'agirait de proscrire l'amertume et le dégoût pour la face B de l'existence, celle qui tue le temps avec des coups de rien.
Il s'agirait de prendre les routes qu'on a tracées à coups de révoltes intestines.
Il s'agirait d'écouter l'immensité des possibles blottis à chaque coin de rue.
Il s'agirait de s'en remettre au vent de ses propres rêves.
Il s'agirait de se retrouver derrière la porte qu'on trépigne d'ouvrir depuis trop longtemps.
Ne plus jamais être quelqu'un d'autre que soi.
Jusqu'à l'ultime respiration. 

lundi 30 mars 2015

A te regarder ils s'habitueront

Ne surtout pas prendre les chemins de traverse. Ne surtout pas prendre les chemins de traverse. Ne surtout pas prendre les chemins de traverse. Ne surtout pas prendre les chemins de traverse...
C'est ce qu'elle se répétait sans pause en regagnant le parking souterrain du supermarché.
La matinée, à l'image de ce qui semblait bien être sa vie entière, avait été sombre, sans goût, transparente et quasi insipide... à cela près qu'elle venait de se terminer par une gigantesque explosion à l'intérieur de sa tête.
Une explosion d'évidences, en habits de fête, faisant suite à d'interminables questionnements bombardés de peurs, venait d'avoir lieu. Tout autour, durant toutes ces années, la vie avait continué. Le monde avait poursuivi sa course folle, entraînant avec lui des milliards d'humains installés dans des trains dont on ne connaît pas la destination. 
Sa vie avait subi de sacrées secousses,des pannes interminables, des arrêts d'urgence au milieu de trajets au long cours, des heures d'errance sur les quais de gare de villes inconnues. Les idées penchées au bord du vide, elle avait failli plus d'une fois sombrer dans le néant. Mais elle s'était accrochée comme elle avait pu au siège de la locomotive. Ne renonçant jamais à vivre malgré tout. 
Mais ce midi avait belle allure. De même que sa démarche. On voyait à sa trajectoire qu'elle n'était vraiment plus la même. Des années d'errance. Une explosion. Une métamorphose. Une rencontre incongrue d'elle avec elle-même. 
Ne pas rester en plan une seconde de plus. Accuser les coups, abolir les trous béants laissés par d'infertiles luttes. Il s'agit désormais de vivre. Enfin. Elle est bien plus forte que ce ramassis de peurs anesthésiantes. Il est temps qu'elle prenne les commandes, en laissant derrière tout ce qui, finalement n'était pas elle. 
L'heure a sonné, les horloges tournent à une vitesse folle, le temps s'emballe. Ca lui flanque un vertige pas possible, une euphorie incroyable. Ses idées prennent vie, enfin. Elles s'insinuent dans chaque pore de sa peau, au creux de son ventre, à l'intérieur de ses mains. 
Elle vient de faire un bond en avant phénoménal, réveillée en sursaut d'une vie complètement endormie.
Ne surtout pas prendre les chemins de traverse et emprunter les détours, les trajectoires non balisées, se risquer à être vraiment. Quitte à se faire mal. Voilà le voyage qu'elle souhaite accomplir jusqu'à la dernière gare.

lundi 9 mars 2015

ça

Que personne, jamais, ne touche à ça
Que le temps me soit donné de vivre encore pour vivre ça
Que le minable, l'insipide et le glauque s'éloignent sans crier gare
Que l'amertume et l'incertitude de tout
Laissent place à une grandiose sensation:
Celle d'avoir vécu jusqu'ici pour connaître ça...
Ça, ça et ça encore en oriflamme contre le mal de vivre qui a pris en otage jusqu'à la dernière miette de moi
Ça, infiniment magique
Ça, comme une Lune suspendue à mon destin
Ça, que je protégerai du cynisme, de la banalité et de la platitude
Ça, contre la gravité du monde.

Elle sait

Je ne sais pas pourquoi la vie,
Je ne sais pas pourquoi la mort,
je ne sais pas pourquoi le temps qui se vide, 
je ne sais pas pourquoi les désillusions comme des fusils,
je ne sais pas pourquoi les lendemains qui pleurent,
je ne sais pas pourquoi le vrai et pourquoi le faux,
je ne sais pas pourquoi les doutes,
je ne sais pas pourquoi les peurs,
je ne sais pas pourquoi les brusques changements de décor,
je ne sais pas pourquoi les déferlantes envies,
je ne sais pas pourquoi la pluie et pourquoi le beau temps,
je ne sais pas pourquoi les mots qui assassinent,
je ne sais pas pourquoi les déchirures blêmes,
je ne sais pas pourquoi les enfers qui durent, 
je ne sais pas pourquoi les espoirs en habits de fête, 
je ne sais pas pourquoi les tempêtes bretonnes, 
je ne sais pas pourquoi les étoiles au loin, 
je ne sais pas pourquoi les lumières qui s'éteignent, 
je ne sais pas pourquoi lui et pourquoi elle, 
je ne sais pas pourquoi les larmes qui libèrent, 
Mais je sais une chose : je connais désormais l'évidence de ce pourquoi j'existe.

dimanche 22 février 2015

Son eldorado

Il suffirait de presque rien, mais de quoi au juste ?
Il suffirait d'un coup de poing sur la table, d'un hurlement primaire, d'un geste ultime pour mettre fin à cet épouvantable sentiment, à cette effroyable absence de sens dans tout ce qui l'entoure. 
Il suffirait qu'elle quitte son corps, qu'elle abandonne même jusqu'à la plus infime miette de pensée, pour pouvoir reprendre l'oxygène qui commence à lui manquer terriblement. 
Elle pourrait ainsi bannir le spectacle complétement absurde de sa propre existence. Sortir avant la fin. Ne pas attendre la fermeture des rideaux. Se fendre les joues d'une si pitoyable attitude. 
Elle sait à quel point l'existence est fragile, à quel point elle devrait être capable de s'emplir de bonheur au moindre frémissement de beauté, à quel point elle n'aura qu'une seule vie. Mais il n'y a rien à y faire, elle est comme emprisonnée derrière des barreaux qu'elle a elle-même installés comme des barricades contre la porte du bonheur.
Le bonheur, l'exaltation des émotions, la vie puissance un milliard, elle sait mais elle est ainsi faite qu'au-dessus de sa vie passe toujours la menace du pire à venir, l'amertume des jours sans saveur, le non-sens total. Un nuage menaçant, annonçant une tempête toujours plus terrible, une vie toujours plus difficilement supportable. 
Comme elle voudrait dévorer les secondes, ne se soucier de rien, être plongée dans la vie corps et âme,  complètement abandonnée et en confiance !
Arrêter de réfléchir, de tout analyser, scruter, peser, comparer, calculer, anticiper. Se fondre dans le flot de l'existence pour faire totalement corps avec elle. C'est sûrement cela vivre. Embrasser fougueusement le présent, effacer de sa mémoire vive le pire et se persuader que le plus beau reste à venir. 
La voiture s'est arrêtée sur le parking. Elle n'a pas envie de rentrer chez elle, de vivre à côté d'elle-même et de subir encore cet épouvantable sabotage. Elle pose sa tête sur le volant, ferme les yeux et laisse couler les larmes sur ses joues creusées par la douleur. Au fond d'elle-même, elle désire plus que tout sortir de cette impasse qui l'empêche d'aller au bout de ses propres envies. La réponse est là, dans les gouttes de pluie qui envahissent le pare-brise, dans le vent violent qui l'a glacée tout à l'heure, et dans son coeur. 
Si un jour tu croises cette âme perdue, dis lui juste que le bonheur ça n'est jamais pour une autre fois. Souffle lui dans l'oreille qu'elle n'est pas condamnée à cette demie-vie pour l'éternité. Aide-la à regarder l'avenir avec un amour gigantesque et entier.
Elle a plus que jamais besoin de voir la lumière.

lundi 16 février 2015

Stupide équilibre


Il faudra lui dire

A cet instant précis, j'ai compris que rien ne serait jamais plus pareil. Mon corps s'est figé de l'intérieur, comme soumis à un violent choc électrique. 
Sortir de l'appartement. 
Prendre la voiture. 
Suivre la route comme on voyagerait en enfer. 
Entendre les pulsations cardiaques exploser dans sa poitrine. 
Brûler quelques feux rouges. 
Bannir cette nouvelle. 
S'empêcher d'y croire. 
De toutes ses forces.
S'inventer un monde bien meilleur, avec des trucs dedans comme dans les magazines, des trucs bien superflus, pour s'anesthésier le coeur. 
Et mourir un peu, pour contenir la douleur. 
Des voitures. Le parking. La course. Vite la retrouver. 
L'homme en blouse blanche a déjà préparé son discours. Mais moi je n'ai rien préparé du tout. On ne se prépare jamais à vivre ça. Même si on l'a vécu un milliard de fois en pensées, même si on a eu le coeur qui se soulève d'en effleurer juste l'idée. 
C'est maintenant. Il n'y a pas d'autre choix que de faire un pacte sordide avec ce présent fort douloureux. Je vais devoir ouvrir la porte, m'avancer vers elle, et accepter une réalité contre laquelle mon coeur se cogne violemment. Dehors, il pleut comme jamais. Je crois que même les nuages sont désolés, impuissants à faire cesser ce drame ignoble et pourtant quotidien. Nous pleurons, les nuages et moi. Nous pleurons la vie qui s'envole, les souvenirs figés pour l'éternité dans le marbre de nos vies. Nous pleurons les rires envolés, les clins d'oeil complices, le bonheur que j'aimais tant voir illuminer au bord de ses yeux. 
Je dois maintenant accepter. Accepter que lorsque vieillit, c'est pour mourir, on naît aussi pour ça me disait grand-mère Desanges. Sorte de fatalité qu'on n'a d'autre choix que d'accepter, et puis se taire, parce que tout commentaire serait superflu, hors d'usage, complétement désuet. 
Mamie, quand tu es partie, je n'ai pas compris tout de suite. Je n'ai pas compris que la seule chose que toi tu voulais, c'était en finir de cette moitié d'existence. Tu as eu raison, tu ne méritais pas cette déchéance du corps. Toi qui étais un hymne à la vie, une poésie vibrante.
Combien de fois m'as-tu donné la force, l'audace, la folie d'entreprendre et de ne pas douter. Combien de fois m'as-tu enrichie de ta vie pleine de coups de cutter. Parce que tu n'as jamais renoncé, jamais. Même après les plus grands drames, tu n'as pas renoncé. Toujours prête à reprendre la route, sans vaciller. Toujours là pour mettre de la vie dans la vie. 
Jusqu'à ce que ça devienne complètement insupportable, inhumain, atroce. Jusqu'à ce que cette putain de douleur te ronge jusqu'aux os, te fasse hurler comme jamais. C'est à ce moment-là que tu as plié les genoux à terre, implorant la mort de venir te chercher. 
Moi je n'ai rien compris. RIEN. Ou alors je n'ai pas voulu comprendre. Moi je t'ai retenue avec des mots que je déteste plus fort que tout ce soir. Des mots bateau, des mots valise, des mots de rien, juste pour couvrir le silence de l'agonie.
Si je pouvais refaire l'histoire. Si je pouvais te prendre la main pour te donner la force de franchir le pas vers cette inconnue assassine. Si je pouvais laisser le silence prendre le pas sur des mots que je déteste tellement aujourd'hui. 
Mais on ne revient jamais en arrière, ce n'est pas compris dans la prestation. Et ce n'est même pas hors forfait. Ce qu'on a dit, ce qu'on a fait, ce qu'on n'a pas dit, ce qu'on n'a pas fait, tout ça est rangé dans les archives de ta vie. Eternellement. 
Ce soir, j'ai les mots qui pleurent ton absence. Ce soir, je voudrais que tu me prennes dans tes bras comme quand j'avais cinq ans. Parce qu'égoïstement j'aimerais que tu m'expliques encore les choses de la vie. Mais ce soir, il ne se passera rien. Rien du tout. 
Mais demain ... demain...demain...demain... Demain j'aurais compris à quel point ta vie a fait de ma vie ce qu'elle est. Je comprendrai comme je suis femme depuis que tu m'as lâché la main. Je comprendrai qu'il faut avoir dans le coeur de l'amour infini pour laisser encore autant d'empreintes dans mon quotidien. 
Demain, lorsque j'ouvrirai les yeux, je saurai que tout ce que je suis et tout ce que je serai sera la suite de cette poésie qu'on a un jour commencé à écrire toutes les deux sans même s'en apercevoir. Nous seules en connaissons le secret, la force et la sublime. 
Je deviens une autre. Et cette autre, c'est moi en plus vrai. 
Et sous la Lune voilée, je crie jusqu'à toi mon envie de vivre. 

lundi 9 février 2015

Non

En sortant de la pièce, Adèle s'est dit que non, il était hors de question de laisser ces mots-la détruire son château de cartes. Elle entendait encore leurs voix basses, leurs jugements à demi-mots, leur misérable victoire à peine étouffée.
Elle a regardé la fenêtre: dehors, le ciel lâchait ses flocons avec une douceur inouïe et au loin, le soleil assistait timidement à la scène. La rue se teintait de blanc, et au fond de son coeur, il n'avait jamais fait aussi sombre. Il avait suffit d'un rien, d'un basculement du décor pour qu'elle flanche à nouveau. Elle se demandait comment cela était encore possible après tout ce qu'elle venait d'endurer. Comment elle pouvait encore être KO, effondrée sur le ring, après tant de combats acharnés pour la vie?
La porte de l'entrée a claqué. Les voix se sont éloignées. Adèle et le silence se sont fait face. 
Elle s'est assise sur la chaise rouillée et elle a pris sa tête dans ses mains, comme pour contenir son amertume et son dégoût. La bombe était à nouveau sur le point d'exploser. Au fond, depuis tout ce temps, elle ne faisait que la contenir, du bout de ses rancoeurs et de ses défaites successives.  
Elle a fermé les yeux. Très fort. Et elle a hurlé à l'intérieur, du plus profond d'elle-même. Elle a hurlé un NON puissant, un NON aux lettres de feu, gigantesque et déterminé. Un NON à tout ce qui la détruit depuis trop longtemps. A deux secondes de la noyade, elle a saisi la perche qu'elle s'est elle-même tendue et elle est remontée à la surface du monde. 
Incrédule, elle n'a pas tout de suite compris ce qui venait de se passer. Elle a repris contact doucement avec la pièce, avec le décor en ruine, avec l'amertume, avec le néant de sa propre existence.
Mais elle s'est levée, avec une force qu'elle ne se connaissait pas auparavant. Elle a relevé la tête, désireuse de vivre puissance mille et d'exister pour de bon.  Plus jamais pour ce que les autres ont décidé à sa place. Plus jamais pour adoucir les angles ou pour arrêter la tempête.
Adèle est sortie de l'immeuble, elle a ouvert les yeux bien grand jusqu'à sentir le froid percuter son regard. La neige a caressé ses joues brulées par les larmes. Elle a pris son téléphone et lui a envoyé ce message mille fois ressassé. Plus une minute à perdre. Plus une seconde à bousiller. 
La vie n'attend rien ni personne pour passer.

dimanche 1 février 2015

Le silence est d'or

L'art et la vie








Ne pas s'impatienter. Laisser les mots reprendre leurs droits.
Tout doucement, permettre à l'indicible de s'exposer. Presque à brut, totalement impudique. 
Une exposition, Camille Claudel à l'affiche. Des milliers d'âmes se retrouvent ici sans s'être donné rendez-vous. La foule brave la pluie battante de cet après-midi maussade. Ils ont rendez-vous avec une vision du monde habillée de marbre ou de terracotta, les vitrines sont la frontière entre le réel et l'imaginaire. 
Debout les uns derrière les autres ils attendent la rencontre avec l'oeuvre de la sculptrice. Ils ont laissé tas de linge, vaisselle et autres vestiges de leur vie quotidienne pour se laisser émouvoir. 
Toutes les générations se croisent ici: du petit bonhomme à capuche à la mamie en imperméable grège, c'est la société en miniature qui se retrouve à la Piscine. 
L'air de rien, se rendre dans un musée, c'est comme étancher sa soif de beau et en ce qui me concerne, j'irais volontiers jusqu'à l'ivresse. J'ai même, et de plus en plus, la sensation de n'exister que pour cette ivresse-la. Le reste me paraît tellement moins palpitant, moins fort, moins tout. 
Alors voilà pourquoi je ne comprends pas qu'ici aussi, l'humain puisse exprimer ce qu'il a de plus vil et de plus laid. Je ne comprends pas la bêtise, les raccourcis de la pensée, les jugements aiguisés comme des pointes de couteau. Je ne comprends pas qu'un rendez-vous aussi beau puisse se terminer par un effondrement intérieur si douloureux. Je ne comprends pas et c'est cette incompréhension qui me fait mal. 
Il a suffit de dix minutes pour que toutes les raisons de la terre qui m'avaient amenée jusqu'ici se ratatinent sur le sol mouillé des pavés de Roubaix. J'ai l'ego complétement cabossé. Cabossé au point de ne pas me tenir droite après l'humiliation et la méchanceté. Cabossé au point de ressentir cette bombe à l'intérieur de moi dès que l'arme du mépris se pointe vers moi. 
Cabossé au point de vomir cette société où l'on a tout, sauf parfois l'humanité vibrante qui susciterait de magnifiques rencontres. Il arrive  que le miracle se produise, qu'au milieu d'une foule écrasante et prête à tout pour assouvir ses désirs narcissiques, tu croises un regard profond, une bouche qui sourit, une main qui se tend. Et c'est à ce moment la que tout s'éclaire, que le temps suspend son vol, que des milliers d'oiseaux colorés te montrent la beauté de la vie. Mais il arrive aussi que tu doives faire face à ce qu'il peut y avoir de pire en l'homme, ravi de te placer dans une petite cage bien fermée avec une grande étiquette sur le front, il te condamne comme au tribunal à n'être personne d'autre que celui qu'il veut que tu sois. 
Et mon ego d'équilibriste n'en sort jamais indemne. 
Ce soir, j'ai la révolte au creux du ventre. Ce soir, j'ai honte à notre liberté et à notre égalité. J'ai honte et j'ai mal. Et le pire, c'est que je ne parviens pas à jouer la carte de l'indifférence, parce que dans mon monde à moi, les mots ne sont pas faits pour blesser. 
Camille Claudel, elle,  s'est tu à jamais.


Fin de Lune

Elle marche dans une rue qu'elle a arpentée mille fois, elle marche pour ne pas tomber. 
Comme à chaque fois qu'elle en a besoin, Lucie lève la tête pour avaler toute la poésie que lui dicte la Lune. 
Mais ce soir, il se passe quelque chose de grave. Elle le sent très fort. 
L'éclat de l'astre est différent: des nervures bleu azur strient sa surface comme des milliers de cours d'eau. C'est un spectacle terrible et fascinant : la Lune se met à tourner sur elle même devenant de plus en plus bleue...jusqu'à disparaître totalement de la surface du ciel.
C'est une terrible catastrophe. La Lune a disparu, recouvrant le sol et remplissant l'oxygène d'une poussière mortelle.
Elle se précipite dans cette maison sinistre et froide. Elle referme la porte à clef et remplit ses poumons de tout l'air qu'elle peut encore respirer. 
La fin du monde est proche. Le petit chat blanc assis sur le bord de l'escalier noir le sait déjà.
Le temps se réduit comme une peau de chagrin, il n'y a plus grand chose à perdre ni à vivre.
La mort lui fait face dans un vacarme assourdissant.

samedi 24 janvier 2015

Envolez-moi

C'est un soir d'hiver mais dans mon coeur, il fait presque figure de printemps.
C'est un soir d'hiver et ce soir, j'ai besoin de me sentir bien plus que vivante. Sans trop réfléchir, et juste pour bercer mon chaos intérieur, je franchis la porte du théâtre et m'installe confortablement sur le siège cramoisi. Des têtes s'agitent, le spectacle a déjà commencé. Je ne suis pas encore vraiment là.
D'abord savourer ce lâcher prise délicieux, accepter de me laisser embarquer sur une planète lointaine, celle de mes années d'adolescente, de mes années aux champs de blé en herbe. La magie opère doucement mais sûrement. A l'intérieur, une armée de petits soldats formatés et bien disciplinés empêchent probablement le flot d'émotions d'exploser sans crier gare.
Des mots, la musique, des mots, la musique ... Je ferme les yeux et m'enfonce dans le fauteuil comme j'accepterais d'embrasser mon passé. A l'intérieur, l'accord est parfait, et de façon quasi magique, les mots de ce chanteur mille fois écoutés viennent me chercher dans mon présent de quarantenaire paumée.
Ces mots que je pensais avoir oubliés se précipitent dans ma tête et sortent en notes de musique multicolores. Les paroles me reviennent comme des flots d'émotions entassées sous des monticules de souvenirs. Je me penche sans réticence vers ce passé en forme de bande originale et je tourne le dos à l' avenir qui me fait tellement peur.
Je retrouve la force des émotions, des accords parfaits, des instants suspendus à une Lune fraîche et nouvelle. Je ne vois que les mots, aussi intacts que les souvenirs qui reviennent à la charge. Intacts et flambant neufs. Parce qu'ils viennent donner à mon présent une dimension d'une envergure incroyable.
Sur le siège cramoisi, j'ai la sensation de m'être retrouvée. La même, mais tellement différente. La musique a des pouvoirs mystérieux. Elle est capable d'abolir le temps et l'espace. Elle est capable de scier un à un les barreaux de pensées que tu pensais engluées pour toujours. Elle est plus que jamais nécessaire. Pour ne pas perdre de vue le sens profond de nos vies égarées.

jeudi 22 janvier 2015

Rien n'est grave

Longtemps je me suis demandé d'où me venait ce travers. C'est vrai, lorsqu'on se rend compte que d'autres existences se conjuguent au plus-que-parfait, on s'interroge sur l'imperfection de la sienne. J'ai pourtant été une excellente élève en conjugaison; toujours les bonnes terminaisons au bon endroit, sur le cahier du jour bleu impeccable. Des félicitations sur les bulletins, des encouragements à persévérer ... tu parles, je me serais bien passée de l'imparfait et des infinitifs jamais conjugués!
Lorsque j'étais adolescente, je croyais que l'avenir était une sorte de promesse en lettres colorées, une chose magnifique à vivre un jour, quand le calendrier m'aurait rangée dans la catégorie "adulte accomplie". J'imaginais à l'époque que l'obscurité de mes pensées n'était qu'un prélude à une symphonie magique et fantastique. Je n'avais pas confiance en moi, je me trouvais toujours trop ou pas assez, mais surtout jamais au diapason de mes rêves. 
Lorsque mes amies collectionnaient les baisers derrière le poteau du préau de la cour du lycée, je m'interrogeais sur ma capacité à séduire, me demandant si ça valait la peine d'investir dans un déguisement d'adolescente-qui-n'a-pas-froid-aux-yeux; tout ça pour mesurer mon potentiel attractif. Lorsqu'elles en rajoutaient des tonnes pour attirer l'attention, je songeais plutôt à rejoindre la première cachette à disposition, pour ne surtout pas avoir à déplorer la transparence de mon aura. 
C'était ainsi. Et plus le temps passait, plus je me disais qu'il valait mieux se protéger du monde avant qu'il ne m'abîme. Et le début de ma carrière d'adulte fut une sorte de course effrénée vers un je-ne-sais-quoi hypothétique, certainement parfait, mais surtout pas pour maintenant. J'étais en partance pour un ailleurs prometteur, incapable de constater dans mon présent la moindre particule de bonheur. 
Pourtant, il y a du en avoir des couchers de soleil sublimes, des coins de campagne en harmonie totale avec les couleurs du ciel, des jours de soleil à dévorer sans retenue, et des instants magiques de liberté absolue!
Mais je n'ai rien vu. Enfermée dans ma coque de protection anti-douleur, j'ai suffoqué à force d'interrogations stupides, à force de doutes et de peurs. Là, au moins, dans cet état de demie-vie, je ne risquais pas de me fracasser sur le trottoir humide d'une vie pleinement vécue et assumée. Bien au chaud dans ma bulle, j'observais le spectacle du monde comme on est au cinéma. J'avais en plus l'abonnement gratuit et la certitude de pouvoir changer le programme à volonté. 
Et puis les horloges de la Terre se sont mises d'accord pour que la vie passe sans que je m'en rende compte: pas une alarme automatique, pas de réveil programmé, aucune faille dans la mécanique froide du temps qui s'accumule sur le compteur de l'existence. 
Dans la coque de protection, je n'ai rien vu venir, j'ai juste pris conscience de mon incapacité à vivre vraiment. Tu sais, cette sensation quasi mystique qui fait que tu es à ce point en immersion dans la vie que tu conjugues tes désirs au présent. Tu sais, cette audace que tu accroches à tes décisions les plus folles et que tu remets aux caprices du vent...
Je n'ai rien vu venir abritée des tempêtes et des bourrasques qu'inflige le risque d'exister. 
Aujourd'hui, je suis sur le bord de la route, incrédule, hésitant encore à participer pour de bon au spectacle du monde. J'observe, j'analyse, j'échafaude un milliard de pensées à la minute, mais au fond je ne vis pas. 
Il suffirait de poser le pied un peu plus loin que le périmètre de sécurité que je me suis imposé. 
Il suffirait de désobéir à cette stupide peur de vivre et lui flanquer une gifle dans pareille. 
Il suffirait de bousiller à coups de poings la coque de protection anti-casse. 
Il suffirait d'écouter l'enfant que j'ai été, de le prendre par la main, et de le pousser sans bouée dans le grand bain de la vie.
Ressentir ou mourir, voilà la seule alternative possible, le seul hurlement envisageable dans cette vie anesthésiée, rabougrie et pitoyable. 
Je ne suis pas née avec des lunettes noires et la maison de mon bonheur n'est pas la coque laide et moisie dans laquelle j'ai survécu jusqu'à présent. 
Dans le spectacle du monde, je veux le premier rôle : un rôle à la hauteur des rêves que j'étouffe depuis bien trop longtemps. 
Parce qu'au fond, du spleen à l'audace il n'y a qu'une infime distance à parcourir. 
Parce que la vie vaut bien plus qu'un ramassis de pensées assassines. 
Parce que rien n'est grave puisque ça ne dure jamais.

mardi 20 janvier 2015

Juste là

Camille n'a plus peur de rien. Camille n'est plus la même, elle le sait, elle le sent. 
Tout à l'heure, dans les allées de la librairie, elle s'est sentie complètement absente, comme aspirée par une bulle d'air en suspension. Une bulle d'air qui ne saurait pas où  terminer sa course puisque soumise aux caprices du vent. 
Portée par ce flot étrange, Camille a parcouru les rayons avec le regard absent et le coeur exilé. 
Titres, photos, lettres colorées, sourires affichés, prix soldés : monde étrange, reflets d'autres vies dans d'autres ailleurs. Vertige sidéral d'un coeur écorché par l'étrangeté du monde.
Dehors, la ville bruyante et le froid crépusculaire ont fait exploser la bulle. 
Les pieds posés sur le sol mouillé, Camille a marché longtemps, sans savoir où, ignorant totalement quelle force étrange la poussait si loin,  au point de rendre ses pas lourds et extrêmement douloureux, comme des aiguilles plantées dans les talons. 
Mais elle est arrivée là, au pied du grand immeuble de verre. 
Elle s'est assise en bas de l'escalier et les pensées assassines ont retrouvé le chemin de ses fangeuses pulsions. C'était l'heure. Il n'y avait pas d'alternative: c'était l'heure de l'insoumission, de l'insulte suprême et inouïe au chaos intérieur. 
Elle s'est recroquevillée, son front contre ses genoux et elle a cherché un peu de chaleur. Juste le nécessaire pour que de la vie coule encore dans ses veines gelées par l'amertume. 
Et elle a hurlé, d'un cri si puissant que l'écho infernal s'est fracassé sur le bitume. Personne n'était là pour constater. Personne n'a vu l'amplitude du combat. 
Personne n'a vu la trajectoire perverse de la lame plantée dans son ventre  de presque morte. 
Personne, sauf le petit chat de la concierge posté devant le corps livide et usé par une vie labyrinthique.

samedi 17 janvier 2015

Les souvenirs

Hymne à la vie et à l'amour, les Souvenirs te prennent par le coeur dès les premières minutes. C'est de la vie qui s'étale avec une beauté poignante, c'est le temps qui passe et celui qui reste, c'est la puissance des liens que l'on sécrète et c'est magistral d'humanité. Assise sur le siège rouge, j'ai compris que le temps s'était comme figé, qu'il était devenu plus dense, laissant place à un hymne à l'existence magnifique.
Il n'y a rien à ajouter si ce n'est que c'est simplement beau et fort. Comme peut l'être la vie finalement.
Il suffit de ne jamais l'oublier. Et d'employer toutes ses forces pour ne pas oublier la leçon.

mercredi 14 janvier 2015

Ripostes existentielles

Je me sens pousser des ailes. C'est un changement de décor intégral, le basculement d'un monde à l'autre, de rien à presque tout. 
Je m'étonne de mes propres sensations, je me regarde de l'intérieur et pour une fois, je ne me déteste pas intégralement. 
C'est comme s'ils avaient rallumé les lumières, comme si les contrastes entre l'ombre et les couleurs de la ville sortaient tout droit d'un musée. Sentiment jouissif à mourir, je voudrais qu'il dure une éternité. Pour ne plus jamais avoir à revivre l'enfer du vide et de la peur qui rafle tout sur son passage, même l'espoir le plus infime. 
Lever le voile sur sa propre intimité et y découvrir ce qu'on ne savait pas encore. Marcher n'importe où, pourvu que ce cœur cogne encore plus fort. J'enrage de ne pas avoir connu ça plus tôt. 
Aurais-je vécu sans oxygène jusqu'à présent? 
Il est loin le temps des espoirs flingués en plein vol, loin le départ pour un ailleurs que je ne verrai jamais, loin la timide et fébrile attache à l'autre que moi, loin la ridicule écorce mille fois reconstruite. 
Je me suis trompée sur l'essentiel. J'ai compris qu'il y a autre chose à faire dans la vie que de s'aplatir devant une méprisante statue de marbre. 
La vie est si grande et si abondante que je refuse de m’empoussiérer et de m'abrutir une seconde de plus pour du vent. 
Je suis ivre et alors ? Je suis inspirée comme jamais par cette sensation inconnue qui coule dans mes veines comme une source chaude et bienfaisante. 
Je donnerais tout pour que cela ne s'arrête jamais. Je donnerais tout pour que cette clairvoyance réduise en miettes mes peurs les plus assassines, pour toujours. Je donnerais tout pour passer le reste de ma vie à cultiver ce délicieux espoir. 
Et s'il s'agit d'un espoir déguisé, d'un espoir fantôme ou d'un espoir guet-apens, il aura au moins eu l'audace de me faire vivre des heures luisantes dont je suis la seule à connaître le secret.

mardi 13 janvier 2015

L'attente


Il est cet autre lendemain. 
Il est cette désillusion impossible. 
Je ne suis pas seule: mon cœur, mon esprit, mes préoccupations, les mots, accompagnent l'attente. 
J'accepte la dépense de cette utile folie. 
Il y a ce que j'imagine et il y a ces pourquoi qui  dansent.
Rien ne justifie une absence qui dure. 
Un seul mot suffirait à réinventer la vie. 
Ma vie. 
J'aurais tant voulu oublier. 
Au contraire : j'applaudis la métamorphose. 

vendredi 9 janvier 2015

mercredi 7 janvier 2015

Le trottoir d'en face

Elle est sortie faire quelques courses avant de rentrer à la maison. 
Il est rentré plus tôt de l'usine ,alors il en a profité pour réparer son scooter. 
Hélène a oublié son sac au bureau. 
Alexandre passe ce coup de téléphone, enfin il ose. 
Amélie reçoit une lettre dont elle n'aurait jamais rêvé les mots. 
Ce matin, deux amants se sont lâché la main pour reprendre leur vie là où ils l'avaient plantée hier soir. 
Et cette nuit, il a pris de belles décisions en costume de fête et d'apparat.
De la vie qui s'exprime et se ressent. Des espoirs, des envies, des folies à inventer. 
De l'autre côté de la rue, l'horreur, le sang, la liberté qui meurt sous les balles. Les cris, la douleur, la sidération. 
Il suffit d'aller sur le trottoir d'en face pour que la face B de l'existence nous explose à la figure, pour que l'indicible nous bombarde et nous ôte toute envie de rêver encore. Une seconde pas plus pour que d'ultimes souffles soient rendus, pour qu'un point final ponctue définitivement leur vie en chemin.
J'ai mal aux rêves, j'ai mal à l'espoir, j'ai mal à l'écriture, j'ai mal à l'audace, j'ai mal à la liberté de penser, j'ai mal au son des balles, j'ai mal au sang qui coule dans le caniveau, j'ai mal à la barbarie, j'ai mal aux croyances absurdes.
J'ai mal à ce point que toute la beauté du monde s'est envolée en même temps que leur vie d'hommes libres.


mardi 23 décembre 2014

Le spectacle est terminé

Plus de spectateurs
Plus de spectacle
Bientôt les projecteurs vont s'éteindre
Laissant l'âme libre et solitaire
En face à face
Avec ses propres rêves
Il n'y a rien à espérer du théâtre virtuel

De derrière nos écrans d'ordinateur
On se consomme
On entame des conversations en toc
Sans lendemains
On comble des minutes pour ne pas
Défier le vide
On récolte des "j'aime" qui s'évaporent
Aussitôt qu'ils apparaissent
Des "j'aime" qui feraient pâlir Cupidon
Du presque rien qui prend l'allure d'un presque tout
Nous laissant dans l'illusion d'une armées d'esseulés avides d'affection
Prêts à se saisir du moindre clic
Comme d'une déclaration d'amour ou d'amitié.
Le spectacle est terminé
L'âme solitaire a repris la route
Affranchie de cette désespérante expérience
Avoir cru qu'ici on pouvait être vrai
Sans se faire bouffer l'intime
Avoir cru aux histoires comme avant
Quand tout était plus simple
Dans son âme d'enfant
Les lumières s'éteignent
Enfin.

Parfum d'hiver

Comme des flèches pacifistes, des lumières percent le sombre et l'amer de ma vie amputée par l' Absence.
Tout ce que je souhaite, c'est pouvoir rétablir un semblant de paix à l'intérieur, afin de marcher dignement sur le fil de soie qu'est devenu ma vie. 
Je te souhaiterai un Joyeux Noël, non pas que cette fin de décembre agite en moi des croyances auxquelles je me suis accrochée par le passé, mais parce que je crois plus fort que tout au pouvoir des mots. 
Ce soir, j'ai allumé timidement les guirlandes du petit sapin, j'ai fait brûler quelques bougies et j'ai observé ce mélange délicat de douceur et de chaleur. Je les ai observées, jusqu'à les ressentir intimement, jusqu'à retrouver le parfum d'une enfance insouciante et passionnée.
N'oublie jamais le pouvoir des mots et de tes pensées. A chaque instant, il t'appartient de t'inventer un décor, une bande originale pour le film de ta vie. C'est un sentiment de liberté totalement jouissif, c'est à pleurer de bonheur tellement c'est puissant. Tu es l'acteur principal, mais tu ne joues rien. Tu ressens simplement. Totalement présent. Immanquablement toi. 
D'une lumière d'hiver naît l'audacieuse pensée que le présent m'appartient à ce point qu'il renferme tous mes possibles. Je ne suis au fond que cela: des possibles enchevêtrés dans une maille fragile mais néanmoins réelle. 
Joyeux Noël à toi qui sais voir la beauté du monde au-delà des apparences.

vendredi 19 décembre 2014

Rodrigue





C'est l'histoire d'un artiste qui ne fait pas genre.
De la trempe des grands, de ceux qui jouent ce qu'ils sont et comme ils respirent.
Pas plus, pas moins, et dans une belle authenticité.
Sans costume d'apparat, juste en connivence avec des ondes magnifiquement sublimes.
Tu te retrouves face à tant de beau et de vrai que c'est toute ta vie qui s'imprègne du décor qu'il t'a planté devant les yeux.
Soudain, un sentiment implacable d'évidence et d'emportement te fait embrasser le monde avec toute la part de noirceur et d'admirable qu'il contient.
Tu te tiens là, privé de tous les mots et envahi par l'ineffable.
C'est peut-être ça au fond le pouvoir porté par un art accompli : une certitude intérieure qui te fait juste dire que tu ne souhaiterais être nulle part ailleurs qu'ici.
Ca résonne en toi comme pas possible, tu te sens terriblement vivant et vibrant, en connexion avec toi qui te perd peut-être souvent dans les ruelles de ta vie.
Les mots, la musique, la passion avec laquelle l'artiste joue suffisent à t'emporter dans ce monde parallèle que tu affectionnes tant.
Celui où l'imaginaire, la liberté et la folie ont le dernier mot.
Celui où les cerveaux étriqués et autres bien pensants n'ont pas leur place.
Celui où la folie est reine sans couronne.
Parce que les fous n'ont pas besoin d'être dirigés, ils se suffisent à eux-mêmes.
Le zèbre est mort au pied de l'artiste. Il a rendu l'âme après un combat acharné pour la vie.
Mais il n'est pas mort pour ceux qui veulent bien laisser entrouvertes les portes de l'invisible.
Ouvrez grand vos yeux magiques, fermez ceux de la raison et du pré-fabriqué.
Abandonnez-vous au moins une fois au sentiment ultime d'exister pour de vrai.
La musique de Rodrigue deviendra alors probablement la bande originale de vos existences en perpétuelle création.

www.rodrigueweb.com

lundi 15 décembre 2014

Expérience




Xavier Dolan a construit son dernier film Mommy autour de cette musique de Ludovico Einaudi. Les mots manquent aux plus grandes émotions. Mais je m'aventure tout de même dans la tentative de décrire l'indescriptible. 
C'est un paysage infini contenant tous les possibles imaginables, 
c'est le bruit de l'eau qui envahit tes pensées les plus farouches, 
c'est le magnifique incarné en son, 
c'est la liberté immense que te donne le seul fait d'exister, 
ce sont des mots qui voudraient mettre leur plus beaux costumes de scène,
c'est tout ce qui te dépasse et te rend magnifiquement humain, 
c'est l'art qui fait battre ton coeur comme jamais, 
c'est ce qu'il y a de plus grand au monde :
la capacité de s'émouvoir et de s'emplir de beau.

mercredi 10 décembre 2014

Austin Kleon


Voici un sacré coup du destin (ou du hasard c'est selon). Je déambulais dans les allées du Furet du Nord lorsque la couleur chatoyante de ce bouquin a attiré mon œil curieux. Un rapide balayage de la 4ème de couverture et un feuilletage enjoué ont fait que ce petit bijou est arrivé sur ma table de chevet en moins de deux... J'avoue que ça m'a donné un tas d'idées (de la plus raisonnable à la plus folle) concernant mes élans de créativité. A lire pour qui veut répandre ses pulsions créatives à travers le monde !

mardi 18 novembre 2014

Si seulement

- Tu sais, ça n'a rien d'évident ce que tu me demandes. 
Il s'est assis sur le rebord du trottoir, le regard vague et hésitant. Je le dévorais des yeux, priant pour que cet instant dure une éternité. Il n'avait pas changé au fond : tout ce qui m'avait bouleversée cet après-midi de juillet 1994 avait gardé exactement la même saveur. Un je-ne-sais-quoi qui m'avait totalement prise au dépourvu, me révélant à moi-même pour toujours. 
Ce jour-là, j'assistais au mariage d'une cousine. J'avais vingt ans. Je me souviens de la robe de gamine que je portais et des petites sandales blanches qui me donnaient un air de collégienne attardée. Un mariage, une robe, des photos, un bouquet posé sur la table, des dizaines d'invités, du champagne, de la musique et Lui. Basculement total d'un monde à un autre. Changement de décor intégral. 
Plus rien ne serait jamais comme avant. 
- Pourquoi ça n'a pas marché ? J'ai besoin de savoir. Ca fait vingt ans Fred, on peut se parler franchement non? 
- Ecoute ... oui voilà, c'est ça ... on avait vingt ans. Ca doit être ça l'explication, non ? 
- Je crois que ça ne me suffira pas. 
Le silence s'est installé, un silence comme jamais je n'en avais connu auparavant. Un silence lunaire et métaphysique. Démesuré et délicieux. J'ai fermé les yeux. Une fois encore, j'ai plongé nue dans mes souvenirs. Mise en scène cent fois revisitée. Détails troubles, mais l'essentiel intact. Son arrivée dans la cour de la mairie et le monde qui prend une dimension magnifique. Le ventre qui se tord, le coeur qui déraille, la boussole qui s'emballe, plus de Nord, de Sud, d'Est ou d'Ouest. Territoire inconnu:  juste Lui et moi. 
D'autres appellent  ça un coup de foudre, je dirais plutôt que ce fut un coup de grâce. Une explosion de vie infiniment puissante, renversant tout sur son passage. Ca ne s'explique pas, et c'est tant mieux. Une connection délicieuse, un mystère lumineux, une équation à deux inconnues d'une perfection sans nom. 
- Tu te souviens de tout ? De ce slow improvisé, peau contre peau, de cette conversation qui ne s'est plus arrêtée parce qu'on avait besoin de TOUT se dire comme pour gagner du temps sur nos vies? Et puis mon départ, le tien prévu le lendemain à 700 kilomètres de là. Et la déchirure.
- Oui je me souviens, mais c'est du passé Jeanne. On a construit depuis, chacun de notre côté. 
- Tu ne sais rien de ma vie. Ne me parle pas de construction. 
Il s'est approché de moi. Il m'a pris la main. Il m'a fait revivre l'explosion, de la même façon. Une présence magnifique, un grand oui gueulé à la face de ce monde pourri, l'amour au bout de la langue. L'amour dans chaque pore de ma peau. L'amour qui te fait faire n'importe quoi n'importe où. Et c'est ce que j'ai fait : je me suis jetée dans ses bras, j'ai tout oublié sauf sa sublime présence. 
N'importe quoi, mais qu'est-ce que c'est bon! Se foutre de la morale et des milliards de petites voix qui te bombardent le cerveau. Etre soi, pour de bon. Dans sa vérité propre et intime.

J'ai lâché le stylo.J'ai posé ma tête sur le cahier. 
Le coeur plein de regrets. 
Une larme a coulé jusque sur le titre du texte, laissant les mots "si seulement" aux prises avec le liquide amer de mon désespoir.

vendredi 14 novembre 2014

Ressentir ou mourir

Voix d'enfants dans le couloir. Pluie qui tambourine sur les fenêtres haut perchées. Et mes pas dans le couloir mille fois emprunté.
Comme chacun d'entre nous, je porte dans mes poches des cortèges d'état d' âme, des doutes à en crever et parfois même le désespoir profond de ne plus pouvoir sortir de ma propre sphère pour respirer un air moins tourmenté.
Mais je ne suis que moi-même, condamnée à habiter cette intériorité jusqu'à la fin de mes jours. Alors il faut composer avec, et tracer ma route sur un béton hostile.
La voix de la petite fille émerveillée par son gâteau d'anniversaire plein de promesses me ramène sur la terre ferme. Un tout petit rien. Mais un grand tout pourtant. C'est de la vie, colorée par le présent simple et magnifique de cet après-midi de novembre. Je suis heureuse pour cette gamine. Nostalgique certainement d'un temps révolu où tout était plus limpide.
Dans le couloir sombre et hostile de l'école, la vie a décidé de me jouer sa plus belle symphonie. Et de cette perception banale, prend forme un monde sans limites dans lequel j'imagine tous les possibles.
Il y a du beau, du grand, du sublime dans d'infimes interstices d'existence. Il s'agit juste de savoir les ressentir. Au bon moment.
Je suis funambule par passion. J'ai en moi ancrée pour de bon la notion du beau et de l'atroce. Je sais comme chacune des cellules qui tapissent mon corps que tout n'est qu' équilibre. Sur la corde tendue entre la terre et la lune, je vacille mais j'avance. Avec le cœur creusé de blessures immondes et les tripes avides de beau.
Sans l'art et sans eux je ne suis rien, condamnée à demeurer à la surface des choses, aux prises avec un corps qui fait la révolution. Ce n'est pas de cette vie la que je veux.
Alors J'abolis les non-dits, les peurs et les mots qui tuent, je les déteste pour le mal qu'ils me font.
Sur un oriflamme géant, j'écris en lettres majuscules le nom des amis qui m'aident à devenir  un peu plus qui je suis à chaque seconde qui passe. Fragile certainement, mais éperdument amoureuse du vent de liberté qui souffle sur ma peau.
J'envoie valser de toutes les forces qu'il me reste les souvenirs macabres et les trahisons perverses.
Je deviens moi. Comme chacun d'entre vous. Pour combien de temps je ne sais pas. Et si je devais disparaître demain, je voudrais que chacun sache qu'elle place il tient vraiment sur le fil de ma vie.
A ces quelques et rares perches magnifiques tendues au hasard de rencontres ou d échanges virtuels, je crie un merci aussi beau que le ciel étoilé qui sublime Ouessant. 
A nos folies magnifiques, aux presque rien qui sont presque tout. A nos rêves en puissance.
Dans le couloir vert bouteille, la petite fille me regarde. Je pose ma main sur son épaule et tente de lui rendre le magnifique sourire qu'elle m'offre en cadeau.

lundi 20 octobre 2014

Aller sans retour

Un décollage sans retour pour l'astre en croissant : voilà ce dont elle rêve.
Monter là-haut pour survoler sa propre existence, la regarder comme on regarderait un vieux film dramatique et ne rien ressentir sinon des émotions sublimées par le geste artistique.
Louise a mal. Et ce mal la ronge comme une maladie incurable.
Parfois, elle pense qu'elle a anéanti définitivement la menace d'attentat qui pointe du fond de ses tripes. Dans ces moments la, elle se persuade que la vie est légère comme une plume, douce comme une brise de mer, fabuleuse comme un conte pour enfant.
Mais la bestiole ne tarde jamais à réapparaître, plus ténébreuse que jamais. Terriblement terrorisante. Infiniment cruelle. Comme une épée de Damoclès, elle menace chaque seconde de sa vie.
Louise a un sens aigu du tragique et du douloureux. Un sentiment qui ligote son cœur, provoquant des nausées auxquelles elle ne peut résister.
Elle observe le monde avec les yeux d'une écorchée vive. Elle pose à sa propre vie un millier de questions par seconde. Elle ne se sent pas d'ici. Tant de choses l'interpellent... Ce monde n'est pas le sien et plus le temps passe, plus ce sentiment est cinglant. Halls de supermarchés, discussions insipides autour de la météo, égoïsme ravageur, hypocrisie de manipulateurs en tous genres tout cela lui fait mal. Elle a perdu le sens des choses et du monde. Elle voudrait être ailleurs.
Elle voudrait que plus jamais la mort embarque ceux qu'elle aime vers un ciel dont elle ignore tout, elle voudrait que le présent l'étreigne comme un amant fougueux, elle voudrait ne plus jamais avoir peur de la vie.
Alors comme elle n'a pas d'engin suffisamment puissant pour la propulser bien loin d'ici, elle s'invente des mondes. A coups d'émotions fortes, de vibrations infinies, de gigantesques rêves, elle prend par la main la substantifique moelle de son existence.
Il est temps. Ça urge.
Il faut être fou pour exister. Battre à mort la normalité, la morale et l'insipide, voilà ce à quoi elle veut désormais vouer sa vie. Hurler avec les loups qu'il faut exister plus que vivre, désirer plus qu'avoir besoin, se rendre fou plutôt que de s'ennuyer à mourir, c'est ainsi qu'elle veut désormais traverser le  temps.
Et si ce n'est plus possible, elle mourra probablement.

jeudi 2 octobre 2014

Mais où es-tu ?

Te voici en proie à l'insecte ravageur qui dévore tes pensées colorées, 
Te voici dépossédée de l'audacieuse folie qui t'habitait jusqu'à maintenant, 
Te voici sous le soleil brûlant d'un après-midi d'été qui ressemble à l'enfer, 
Te voici en partance pour un je-ne-sais-où que tu détestes déjà de toutes tes forces, 
Te voici près d'elle, face à l'horreur du vide, déroulant un à un vos souvenirs en friche sur le bord de ton existence, 
Te voici devant tes peurs les plus intimes, dans un face-à-face déterminant, 
Te voici dans la chambre bleue, dévisageant le temps qui passe. Tu aurais deux mots à dire à ce dévoreur de rêves, 
Te voici devant la barque, terrorisée, et tu hurles au vent pour qu'il revienne à la vie, 
Te voici face à eux, tu as honte de ce corps et de ce visage qu'aucun miroir ne trahit. Tu désespères,
Te voici dans la ville inconnue, seule comme jamais. Leur départ t'as anéantie. L'insouciance s'en est allée, 
Te voici sur le lit, entre deux rives tu te bats farouchement pour vivre encore, 
Te voici face aux mots. Assassins. Terroristes. Ton coeur saigne, 
Te voici devant une partition qui s'évanouit dans le brouillard de ton trac. Plus de mémoire. Plus de musique. équation implacable, 
Te voici sur le trottoir comme sur un ring, leurs regards vont te percuter comme des coups de poing, 
Te voici au seuil de ton adolescence et tu prendrais bien un billet retour, 
Et puis ...
Te voilà aux portes de l'île dont le nom t'a fait mille fois rêver, 
Te voilà sur le banc mythique, effleurant timidement son bois usé, 
Te voilà sous l'arbre protecteur, reniflant l'existence avec la crainte d'un jeune chien, 
Te voilà  prête à en découdre avec les limites que t'impose ton corps devant ce géant de pierre, 
Te voilà dans le jardin du poète, ivre de mots qui dansent, 
Te voilà devant l'immensité bleue, tu t'y installerais bien pour l'éternité, 
Te voilà dans la grisaille humide à imaginer un avenir en habits de fête,
Te voilà dans le champs, à quelques kilomètres du lieu saint, mesurant l'ampleur de ce qu'il signifie,
Te voilà lui prenant la main comme on s'accroche à une étoile, 
Te voilà dans la voiture, défiant la morale et l'insipide pour vivre puissance mille, 
Et tu te tiens LA, sous la Lune d'automne, en habit de lumière. 

dimanche 13 juillet 2014

Son Graal

Depuis ce matin le ciel est lourd. Chargé de particules grises et suffocantes, il ajoute à mes pas le poids de la douleur qui m'étreint depuis des heures. J'avance dans l'appartement sans pouvoir prétendre à quoi rime cette danse sans grâce. Je ne sais plus où je vais, je repense à ce jour maudit et j'ai envie de hurler.
Un an déjà ... comme si rien n'avait vraiment eu lieu depuis. Un statut quo terrible. L'envie que rien de tout cela ne soit arrivé, l'envie d'annuler le programme de ce jour maudit.
Il est parti et il l'a laissée sur le bord du trottoir. Ca n'était pas prévu comme ça: la journée devait se terminer par de la musique et des lumières dans le ciel, par des "c'était chouette", "j'ai adoré", "t'as vu comme la Lune était belle", mais pas comme ça.
Je ne savais presque rien de lui. Mais je savais une chose essentielle: il la rendait profondément heureuse. Et rien que pour ça, je l'aime.
Elle méritait puissance mille cette fougue amoureuse, cet apprivoisement subtil, ces projets colorés. Elle les méritait bien plus que n'importe qui. Elle avait trouvé son Graal. Ensemble ils construisaient quelque chose de terriblement joli.
Et il est parti.
Elle ne sait pas où, et moi non plus. Mais il est hors de question qu'il arrête d'exister. On n'arrête pas la danse des étoiles filantes. Jamais. De l'autre rive elle pense à lui, sans cesse. Elle le rend magnifiquement vivant.
Dans l'appartement teinté de gris, l'envie de croire que tout ne s'est pas arrêté sur ce trottoir m'étreint le coeur. Il est hors de question qu'une existence aussi avide de vie s'annule dans une si funeste opération.
Ils sont beaux, par delà l'éphémère de nos vies, ils explosent de beauté. Un amour fou, funambule ou déraisonnable, explosif et hors du temps, voilà ce qui les unit.

mardi 15 avril 2014

Juste avant la nuit

De la lumière ne sort vraiment rien de bon, à part la nuit. 
Cette journée n'en finit pas de commencer. Comme si le temps avait aboli l'écoulement des heures, la valse des minutes et l'entêtement des secondes. Je n'arrive pas à prendre le dessus, je n'aime définitivement pas les matins. Aucun commencement qui vaille, aucun soleil qui me prendrait par la main pour me signifier que ça vaut encore le coup. 
De ma chambre, abritée sous la couette, ce monde me fait peur. Trop de bruits. Trop d'inconnu. Trop d'étrangeté. Comme une menace sournoise, planquée dans les murs de ma vie. Et je suis lassée de me battre contre cet incommensurable désordre. 
Hier, pourtant, j'ai mis le nez dehors. Il paraitrait que lorsqu'il fait beau, tout est plus simple. Comme si le soleil gommait miraculeusement ce qu'on a de plus sombre en soi. J'ai traversé le quartier avec le regard d'une étrangère, une solitude implacable et douloureuse m'a emprisonnée avec mes peurs les plus acérées. J'ai marché jusqu'au Quai du Wault à l'abri de la foule et j'ai tenté de ramener un peu de calme à l'intérieur de mes cellules, tentant de faire le vide dans ce fatras d'idées noires et obsessionnelles. J'ai senti le soleil réchauffer mon corps douloureux, j'ai fermé les yeux comme pour reprendre vie dans la vie. En vain. Comme si la peur avait pris possession de mes pensées les plus infimes, elle ne m'a pas laissée en paix. Je crois que cette succession d'épreuves à laquelle est soumise ma vie m'a réduite à n'être plus que le fantôme de moi-même. J'accuse le coup, et je manque affreusement d'oxygène. Je m'enfonce dans d'innombrables pensées, et je suis engluée dans une peur infinie de tout. 
Dans l'appartement, le silence est de plomb. J'aime ça. C'est reposant et ça laisse un peu de place aux rêves qu'il me semble encore avoir la force de construire. C'est juste que ce corps lourd à porter et ces idées vêtues de noir ont trop souvent le dernier mot. Cette nuit encore, j'ai rêvé. J'étais seule dans une maison sans meubles et sans âme. J'avais peur de traverser la pièce qui me faisait face, mais je savais qu'il allait pourtant falloir franchir le pas. En avançant dans l'obscurité, il me semblait distinguer de la lumière sous la porte, comme si cet endroit de la maison avait été épargné de l'obscur et du ténébreux. J'ai ouvert la porte. Un homme vêtu de noir se tenait face à la fenêtre et son visage semblait avoir absorbé toute la luminosité du dehors. Je l'observais sans crainte, attirée par l'étrangeté qu'il dégageait. Il ne m'a rien dit, il ne m'a pas remarquée, et j'ai ainsi pu contempler l'infinie poésie de sa présence.
Ce matin encore, ce rêve me colle à la peau. J'essaie d'en cerner le sens, d'en mesurer la portée. 
Je ne sais pas si j'ai raison de le faire, mais je sais que je vais devoir lui parler. J'ignore encore comment, mais c'est l'inextricable épreuve à laquelle je dois soumettre ma vie. 
Je m'habille avec dégoût, je n'ai plus envie d'être jolie depuis longtemps. Je ne sais pas quelle heure il est, et je m'en moque. Je dois sortir, c'est impératif. Quitte à subir les coups de sabre de mes pensées les plus tranchantes. Je ne suis pas qu'un nombril agrémenté d'égoïsme sauvage. Je ne suis pas la seule âme perdue ici. Il y a bien d'autres souffrances, bien d'autres vies cabossées qui se cherchent et qui saignent. 
Lui parler. Envahir de cris l'espace de ma vie. Hurler. Sortir de mes tripes d'incommensurables cortèges de mots jusqu'à ce que la douleur soit domptée, maîtrisée, complètement à ma merci. 
Le soleil décline. Je marche le dos voûté, en proie à de vives douleurs qui lassèrent ce corps négligé, en friche, à l'abandon. 
Lui parler. C'est peut-être la seule porte de sortie envisageable, l'issue de secours pour ma vie funambule. J'ai décidé d'y croire. De croire au fabuleux pouvoir des mots. Il faut maintenant leur ouvrir la cage, les apprivoiser. Je sais que c'est à mission qu'est suspendue ma petite vie. Ecrire à ce destinataire fabuleux qu'est sa propre existence. 
La nuit tombe sur la ville. De petites ailes me poussent au bout des doigts. L'égout sans fond de mes angoisses va peut-être trouver matière à s'exprimer. 
De retour à la maison, j'ai la sensation qu'une histoire commence, que le reflet de la Lune est encore plus sublime qu'hier, que tout n'est peut-être pas destiné au pire. 
Et ce peut-être m'enivre.